Le bailleur peut s'opposer au renouvellement du bail au profit du preneur ne justifiant pas être en règle avec le contrôle des structures
L'on sait évidemment que les baux ruraux constituent une catégorie particulière de contrats, qui tentent de ménager protection du locataire preneur rural, et le droit à la protection de la propriété privée inhérente à la personne du bailleur.
C'est pourquoi le statut des baux ruraux prévoit notamment, parmi les prérogatives du preneur, un droit au renouvellement de son bail, et auquel le propriétaire bailleur ne peut s'opposer que limitativement.
Ce principe est posé à l'article L. 411-46 du Code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que sauf congé "valablement" délivré par le bailleur au preneur, le bail rural a vocation à se renouveler de neuf ans en neuf ans (article L. 411-50 du même Code).
Outre l'obstacle légal au renouvellement (la situation d'incapacité du bailleur), on connaît classiquement les clauses de reprise sexennale et triennale (tombée quelque peu en désuétude). Le bailleur peut également s'opposer au renouvellement pour motifs graves et légitimes (non paiement du fermage, compromission de la bonne exploitation du fonds).
La Cour de cassation vient quant à elle d'apporter un nouvel éclairage, dans une hypothèse mêlant statut des baux ruraux et contrôle des structures.
En l'espèce (C. cass., Civ. 3ème, 13 oct. 2021, n° 20-15.572), un exploitant était titulaire d'un bail verbal portant sur une parcelle agricole ; le propriétaire s'est opposé au renouvellement par congé, qui a fait l'objet d'une contestation devant le tribunal paritaire des baux ruraux, saisi d'une demande en annulation du congé.
La cour d'appel a sanctionné le bailleur, en considérant que le preneur était fondé à prétendre au renouvellement de son bail, en rejetant l'argumentation du propriétaire qui relevait que l'exploitant n'était pas en règle au regard du contrôle des structures, et notamment qu'il ne justifiait pas détenir une autorisation administrative d'exploiter.
Si la cour d'appel semble considérer que l'argument n'est pas dénué d'intérêt, elle retient néanmoins que le bailleur, pour exciper de la réglementation afférente au contrôle des structures, aurait dû préalablement à la délivrance du congé, mettre le locataire en demeure de régulariser sa situation.
La Haute Cour prend toutefois le contrepied, en énonçant clairement :
Il résulte [des articles L. 331-2, L. 411-46 et L. 411-59 du Code rural] que le bailleur est fondé à s'opposer au renouvellement du bail si le preneur ne justifie pas qu'il est en règle avec le contrôle des structures.
Il suffit dès lors de constater que dès lors que le preneur ne satisfait plus aux exigences du contrôle des structures (en l'espèce, il avait dépassé le seuil d'exploitation fixé pour le département et n'avait pas obtenu l'autorisation préfectorale), le bailleur pouvait s'opposer au renouvellement, sans être soumis à une quelconque obligation de mettre son locataire en demeure de régulariser sa situation, préalablement à la délivrance du congé.
La Cour de cassation rappelle également que les parties s'affrontaient sur la question du renouvellement du bail, et non sur celle de son éventuelle nullité, soulignant ici qu'en cas de méconnaissance des règles du contrôle des structures en cours de bail, une action en nullité - expulsion était possible, mais que dans ce cas, la mise en demeure préalable est nécessaire.
On rappellera en tant que de besoin la nécessité de s'adresser à un professionnel rompu à la matière pour s'assurer d'une rédaction minutieuse du congé, ou pour l'examen de ses conditions de validité et la contestation éventuelle devant le tribunal paritaire.